Le modèle noir à Orsay


« Le modèle noir de Géricault à Matisse » est une exposition itinérante qui fait une halte au muséed’Orsay après avoir été inaugurée à la Wallace Art Gallery de New York. Elle finira son parcours au Mémorial ACTe de Pointe-à-Pitre en Guadeloupe.

    Cette exposition est ambitieuse à plus d’un titre : elle se situe à la fois dans le domaine de l’histoire de l’art et de la sociologie. Elle est également politique : le drame de Charlottesville (12/08/2017) a prouvé la résurgence de nombreux groupes racistes (néo-nazis, Ku Klux Klan, suprémacistes...) aux Etats Unis.
On ne peut donc que constater l’importance de cette exposition qui a pour objectif de faire un « focus » sur la place occupée par les personnes noires dans l’histoire de l’art.



Marie-Guillemine Benoist, Portrait de Madeleine (anciennement portrait dune Négresse), 1800, Musée du Louvre

    Le parcours s’articule autour de périodes clés, en débutant par la 1ère abolition de l’esclavage dans les colonies françaises en 1794, puis son rétablissement par Napoléon en 1802, jusqu’à l’abolition définitive sous la 2République en 1848.
    Cette structure permet d’aborder, le paradoxe des premiers portraits de noirs réalisés suite à l’abolition mais qui ne portent aucun nom. Mais aussi, les œuvres d’artistes abolitionnistes qui veulent alerter l’opinion publique sur l’horreur de l’esclavagisme. Ou encore, l’utilisation de modèles noirs employés par l’Ecole des Beaux Art, réduits à mettre en avant des corps blancs sexualisés dans un Orient fantasmé.


Jean Léon GérômeA vendre, esclaves au Caire, 1873, Musée dart et dindustrie de Roubaix


    Cette exposition est révolutionnaire par son long travail de recherche qui a permis à certains modèles de retrouver leur identité et donc à plusieurs œuvres d’arborer un nouveau titre :Portrait d’une Négresse exécuté en 1800 par Marie-Guillemine Benoist a été rebaptisé Portrait de Madeleine (une esclave affranchie guadeloupéenne).
    A noter que les commissaires d’exposition ont choisi de faire figurer l’ancien titre avec le nouveau sur le cartel pour garder en mémoire le racisme des siècles passés.

    La deuxième partie de l’exposition met à l’honneur de nombreuses personnalités du début du 20esiècle appartenant au monde du spectacle parisien comme la célèbre Josephine Baker, le clown Chocolat (Raphaël), l’acrobate Miss Lala (Anna Olga Brown), mais également des personnalités moins connues que je vous laisse le soin de découvrir.
    Cette seconde partie aborde, également, les avant-gardes et l’évolution du rapport au « modèle noir » dans une Europe colonisatrice: un court-métrage des Frères Lumières « Baignade de nègres » de 1896 immortalise le zoo humain du Jardin d’Acclimatation où des peuples sont mis en scène dans leur « environnement d’origine » pour le bon plaisir des visiteurs du dimanche.

    Malgré ce contexte, la figure d’Henri Matisse illustre la naissance d’une beauté autre, noire et métisse, en rupture avec le canon de beauté européen qui a dominé les arts. Matisse, par son voyage à New York, fait d’ailleurs figure de lien pour intégrer la Renaissance de Harlem dans ce parcours très riche mais qui n’aborde que l’art en France.    Pendant l’Entre-Deux guerres le quartier de Harlem devient le 1er centre artistique dédié à la communauté noire qui entend bien s’affirmer dans une Amérique ségrégationniste.Je vous invite à découvrir l’œuvre de Jacob Lawrence, une des figures majeures de la période.https://lawrencemigration.phillipscollection.org/


Félix Vallotton, Aïcha, 1922, Collection particulière

    Enfin, toute l’exposition est articulée autour de l’Olympia de Manet, littéralement mise au cœur du parcours par la muséographie. L’angle d’approche de cette œuvre est nouveau puisqu’on se focalise sur la servante noire qui se nommerait Laure d’après un carnet de Manet (exposé pour la 1ère fois).
    Des œuvres d’artistes contemporains travaillent ce rapport entre corps blanc et corps noir en sinspirant dOlympia.


Larry RiversI Like Olympia in Black Face, 1970, Centre Pompidou

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